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CULTURE

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JIRÔ TANIGUCHI

Jirô Taniguchi est un auteur japonais actuel. Il s’est fait connaître dans l’art du manga mais les thématiques qu’il traite sont bien différentes de ce que nous sommes habitués à voir dans cette littérature. Pas de combats, de filles en mini jupe ni de vision manichéenne. Abordant plutôt des sujets très quotidiens comme la mémoire, la famille, ou la promenade, thème qui lui tient particulièrement à cœur et que son dernier ouvrage, Le Promeneur illustre parfaitement. Certains le trouveront insignifiant, d’autres emprunt(s) de sensibilité.

Connu en particulier grâce à son ouvrage Quartier lointain, qui sera bientôt adapté au cinéma, Jirô Taniguchi s’intéresse très clairement au thème de la famille, de l’enfance et du même coup de la mémoire. Il montre combien nos actes passés ont une conséquence tout au long de notre vie. Il semble également croire que chacun de ces actes sont des choix, conscients ou non. Dans cette lignée, l’histoire d’une famille détermine la vie de ses descendants, ce qui montre combien l’auteur est marqué par les croyances et la culture japonaise. Nous pouvons constater ces théories de l’auteur dans Le journal de mon père ou Un ciel radieux.

Ce que toutes ces thématiques font apparaître est le fait que Jirô Taniguchi est attentif à la nature humaine. Pour être plus précis, il s’intéresse à l’homme qui se retrouve face à lui-même, que ce soit à travers son passé ou son présent. La famille sert davantage l’homme face à son passé alors que la promenade présente l’homme dans son présent, conscient de la construction que lui a permis son passé.

La promenade est montrée comme un instant privilégié du quotidien et non comme moyen de locomotion d’un lieu à un autre. Moment où l’homme peut laisser libre cours à sa pensée sans unité de lieu ou de temps imposé. La pensée et la réflexion suivront donc le corps et son avancée aléatoire et réagiront en fonction de l’environnement rencontré. Place aux souvenirs et aux ressentis. Certains pourront considérer que Jirô Taniguchi écrit sur du vide et que ses histoires manquent de consistance. Car comment écrire sur le « rien » ? Les pensées de l’homme pendant ses promenades pouvant être considérées comme une sorte de vide. C’est un moment où l’homme peut accorder de l’importance à ses émotions, peu importe que les endroits soient connus ou non, il trouvera des souvenirs et des sensations qui lui sont propres. Le promeneur pourra également rêver en se promenant dans un quartier inconnu dont il invente l’histoire. La promenade et la marche apparaissent comme une liberté ; c’est au promeneur de la prendre. Jirô Taniguchi montre alors cette promenade comme un moment privilégié certes, mais non évident puisque le promeneur doit accepter le vide de la réflexion. Une bouffée d’air frais pour certains, un instant effrayant pour d’autres. Ce que nous pouvons constater au quotidien, hors littérature, lorsque nous constatons la dépendance qui s’installe face au portable.

Serions-nous tombés dans une société où la communication est tellement surdéveloppée, que la solitude devienne inenvisageable ? Tous ces moyens de communication -portable, internet- nous font croire que nous sommes en permanence en lien avec les autres, alors qu’ils nous isolent dans notre sur-communication et nous coupe du contact humain. Jirô Taniguchi nous présente une véritable écriture de l’humain, et cela est on ne peut plus appréciable ; car en parlant de l’humain, il parle de nous.

PASCAUD Louise

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Les aveugles de Maeterlinck

Mise en scène Berangère VANTUSSO au TAPS GARE.

Maeterlinck s’inscrit sur deux siècles et illustre comme il se doit le mouvement symboliste, ce que la mise en scène de Bérangère Vantusso met de façon très juste en valeur.

Maeterlinck est né en1862 à Gand et décéda en 1949. Il traversa la littérature en étant poète, dramaturge et essayiste. En 1911, il reçut le prix Nobel de littérature et il reste aujourd’hui le seul belge à l’avoir obtenu. Son premier recueil, Serres chaudes, paraît en 1989 ; c’est cette parution qui le situe immédiatement dans la veine symbolique avec des ambiances féeriques créées par le mélange d’éléments décadents et symbolistes. Il se tourne par la suite vers le théâtre et Les Aveugles sont publiés en 1890. En abordant le théâtre, Maeterlinck rejoint les grands dramaturges qui ont contribué à transformer la conception du drame. Cela transparaît à travers les huit pièces qu’il a écrit entre 1889 et 1894 et qui sont qualifiées comme appartenant au théâtre de l’âme, ce dont rêvait le symbolisme.

Trois concepts sont à retenir pour ce théâtre lié au symbolisme : le drame statique (personnages immobiles, passifs et réceptifs à l’inconnu), le personnage sublime (assimilé souvent à la mort, le personnage est la Destinée ou la Fatalité, quelque chose de plus cruel peut-être que la mort) et le tragique quotidien (pas d’héroïsme, le simple fait de vivre est tragique). Par ailleurs, Maeterlinck aurait aimé remplacer les comédiens par des figures de cire pour qu’ils ne viennent pas s’interposer entre l’imagination des spectateurs et les mots. Pour lui, l’action par le jeu stylisé des comédiens doit suggérer les attitudes de l’âme face au destin, l’éveil lent de la fatalité.

La mise en scène présentée au TAPS gare est une illustration parfaite de ce que Maeterlinck attendait du théâtre. Treize marionnettes hyper réalistes sont placées en cercle dans une quasi-obscurité, quatre comédiens s’appliquent à leur donner vie en les faisant parler ou effectuer des mouvements. Cet aspect sombre donne une profondeur et une épaisseur à cette salle du Taps. L’imagination est alors transférée dans la grande forêt évoquée dans le texte Les Aveugles et dans le monde irréel de Maeterlinck. Les treize marionnettes représentent douze vieillards, six femmes et six hommes, plus un prêtre qui les a conduits dans la forêt qui jouxte leur auspice.

Spectacle imprégné par la mort qui gagne petit à petit les douze vieillards, dont la cécité provoque une attention décuplée pour les autres sens. Cette obscurité permet au spectateur d’être dans un environnement aussi flou que celui où sont les aveugles. Monde de rêve et principalement marqué par le mystère, l’écriture de Maeterlinck voulait éloigner son lecteur du réel. Cela fonctionne entièrement dans la pièce que nous présente Bérangère Vantusso, nous ne savons pas si la forêt est la vie que les douze vieillards ont fini de parcourir ou bien la mort qu’ils ont atteint et qui prend peu à peu le dessus sur eux. Voyage garanti.

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Fables

Nous sommes au cœur de New York. Depuis les origines de la grande pomme, vit une communauté, recluse, autonome, ayant ses propres règles, ses propres institutions et ses propres dirigeants. C’est un ancien roi qui y est élu maire, efficacement secondé par son administratrice : organisée, méthodique, exigeante avec les autres et elle-même, et, par son shérif, rustre, instinctif mais juste et respecté de ses administrés.

Peu ordinaires, les membres de cette communauté sont immortels. Loin d’être l’histoire classique d’une communauté de vampires conspirant sur le destin du monde, mais les personnages des fables et contes de fées. Les Fables (comme ils s’appellent eux-mêmes) ont été obligés de fuir leur monde, devant un mystérieux ennemi, pour se réfugier dans le nôtre. Ce prologue nous permet de découvrir la face vivante de ces personnages de légende. Administrés par une Blanche-Neige aigrie par l’infidélité du prince charmant, et le grand méchant loup (devenu humain) en gardien des lois, la poignée de survivants tente coûte que coûte de s’adapter à une nouvelle vie dans un nouveau monde, en attendant de reconquérir le leur.

Unis contre leur mystérieux ennemi, une amnistie a été accordée aux Fables les plus cruels : le grand méchant loup, Barbe Bleue, Frau Töttenkinder, la sorcière de Hansel et Gretel qui a survécu à son sort. Pour éviter d’éveiller les soupçons, les Fables les plus remarquables (animaux parlant, géants, dragons et autres monstres) vivent dans une autre communauté, « la Ferme ».

Cette présentation néglige toutefois la très grande qualité de ce comics, enfin traduit en France. Cette série, dont Bill Willingham est le seul scénariste, est loin d’être austère. Elle déploie un humour et une réelle ironie, sans négliger une intrigue de grande qualité, qui ne décline pas au fur et à mesure des volumes. Son originalité et sa qualité lui ont valu 11 Eisner Awards. On y découvre pêle-mêle le prince charmant qui vit au crochet des femmes qu’il séduit, Barbe Bleue en capitaine d’entreprise, Jack (sans haricots magiques) en petit escroc… et Pinocchio, à la recherche de la Bonne Fée pour lui expliquer sa façon de penser car, il est certes devenu un petit garçon, mais c’est qu’ il le reste, et ça pose problème quand il drague.

JANSEN Eric